Home » Le journal de bord de BRIDAN

Le journal de bord de BRIDAN

Retour aux Anglos-normandes

Mardi 30 avril 2019 : le départ pour Sein

     Après 3 reports pour raison météorologique par rapport au planning théorique, c’est ce mardi que Michel et Daniel vont quitter la petite digue de Kérity. Mais ils ne sont pas seuls, car les habitués du quai du VdE sont toujours là pour accompagner les voileux en partance. 

     Et là c’est le grand show : le souffle d’Hélène et Claude force le vent des Etocs à passer dans leurs binious et se transforme en mélodie traditionnelle bretonne, tandis que Gwen et Youenn participent aussi de leurs instruments (un Bodhrán et un synthétiseur) pour faire de ce départ un beau moment d’émotion.

    Alain et Lise, Daniel, Thierry, et Marc sont également présents sur la jetée, tandis que Guéno nous observe du quai et que Franck et Jean-Michel nous feront un brin de conduite sur DOUZIK au pied du phare d’Eckmühl.

     Dernières embrassades et accolades pour faire monter la petite larme et on largue les amarres. (10h20)

     Tout droit dans le chenal pour ENAWEN tandis que BRIDAN se fait déjà remarquer par un petit tour sur lui-même, dérive freinée quelques secondes  dans le sable… Puis c’est vraiment parti : grand-voile hissée et foc déroulé, le chenal de Firbichons donne le premier cap de l’aventure.

     Aventure vélique sous un beau soleil et qui débute bien, puisque le vent arrière nous pousse allégrement avec nos voiles en ciseaux, de  5 nœuds à partir de 11h00 pour descendre progressivement en dessous de 3 nœuds à l’approche des « marmites » du raz de Sein. Le moteur est mis en route vers 15h30 pour passer celles-ci et accomplir le reste du trajet jusqu’au port de Sein. Arrivée à 18h00. Mouillage à l’ancre.

     L’annexe d’ENAWEN est gonflée et mise à l’eau et nous permet de rejoindre le restaurant « La Case de Tom » dont le dîner restera moins dans nos mémoires que le prix (52€ par personne) pour un apéro, un petit bout de St Pierre et un petit dessert !!! On nous a pris pour des américains !!!

Bonne digestion quand même et nuit très calme.

Bilan : 27,7 milles nautiques en 7h45, dont 66 % à la voile

Mercredi 1er mai 2019 :  destination Le Conquet

     Départ à 9h00 sachant que le vent ne sera pas aussi favorable que la veille. Effectivement on fait du près serré avec un vent de 2 B et le cap est plus difficile à tenir pour ENAWEN que pour BRIDAN. Mais après un dernier virement de bord pour s’éloigner de la côte, le moteur prend le relais à partir de 11h00. C’est donc ensuite tout droit pour le Conquet, où la capitainerie ne répond pas à nos annonces d’arrivée…on s’amarre malgré tout sur 2 bouées visiteurs les plus proches sur la gauche à l’entrée du port en face des bateaux de pêche. Installés à 16h00.

     L’annexe nous porte au quai au bas de la ville haute très fréquentée en ce 1er mai et avec des commerces ouverts qui permettent à Daniel d’acheter un pull polaire parce que débarqué avec un blouson léger c’était faire fi d’une température bien fraîche !

Un petit dîner bien sympa comme d’hab à bord d’ENAWEN.

     Bonne digestion et nuit un peu perturbée pour BRIDAN qui renoue avec le jeu initié lors de la dernière escale l’an passé aux Glénan : à savoir une bouée venue de nulle part qui prend malin plaisir à venir se coincer entre les 2 safrans et tambouriner la coque à tout instant !

Bilan : 23,2 milles nautiques en 5 heures, dont 13 % à la voile

Jeudi 2 mai 2019 : destination  l’Aber Wrac’h

     Départ à 9h45 pour avoir suffisamment d’eau. Initialement la destination était l’Aber Ildut ou Portsall, sans imaginer qu’il soit possible d’aller jusqu’à l’Aber Wrac’h. Et bien si, car fort d’un vent toujours dirigé NW et avec une force de 4 à 5B, on a pu rallier tout à la voile et au près serré avec un seul virement de bord cette destination éloignée! Avec même une nécessité de réduire la voilure pour BRIDAN qui finit avec 5 à 6 tours de ris dans le foc et une GV choquée au maxi… tout en maintenant des vitesses entre 6 et 7 nœuds … pointe à 9 !!!

     A noter l’aspect d’une mer toute particulière à l’approche du phare du Four, à la confluence Manche-Atlantique. Comme un relief de dunes, avec des rides semblables aux ondulations des trainées de sable … et des vagues importantes, mais non déferlantes aux formes douces et arrondies.

     Arrivée à 14h45 au ponton brise-clapot avec le vent dans le nez. Un passage aux douches du port, un petit plat de St Jacques aux poireaux au Ty Bilig Ar Mor et une bonne nuit.  

Bilan : 26,6 milles nautiques en 5h25, dont 100 % à la voile

Vendredi 3 mai 2019 : destination Ile de Batz

     Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Un départ vers 9h00 pour effectuer les 29NM qui nous séparent de l’Ile de Batz, mais les données de Marées-Info ne sont pas favorables : vent 1 à 2 B mais dans le nez et avec un courant contraire…tout pour plaire. Passons vite, tout se fera au moteur !

     Avec une arrivée finalement acceptable à 15h45 dans le port Kernok en face de l’Ilot portant pyramide. Mouillage à l’ancre pour les 2 bateaux et sortie de nos vélos pliants pour une jolie balade expresse sur l’île. L’annexe d’ENAWEN est un bon cheval : il transborde les 2 vélos et les 2 cyclistes de nos voiliers au quai et vice versa. De belles photos et de belles couleurs sont saisies lors de cette balade. Un repas frugal est organisé sur BRIDAN …et dodo.

Bilan : 29,8 milles nautiques en 7h30, dont 0% à la voile

Samedi 4 mai 2019 : destination Trébeurden…annulée !

     Comme prévue par Marées-info, le vent devait se lever et forcir tout au long de la journée de ce samedi. Vrai mais un peu plus tôt …et c’est vers 6h00 qu’ENAWEN a chassé sur son ancre et est parti tout seul « se raccrocher aux branches » d’une petit bouée de pêcheur, presque à hauteur des piquets de sortie du port !!!

     Concerté avec Michel, nous décidons de rester ce samedi sur nos ancres à l’Ile de Batz, ça bouge trop et Michel aura une bonne partie de son temps à récupérer sa place initiale en jouant avec les marées qui découvrent à sec à mi-journée. Mais une fois repris sa place, les autorités locales lui demanderont de changer son mouillage car cette place est prise pour les navettes touristiques. Pauvre Michel, il aura soulevé de la « fonte » toute la journée… et sous un vent qui ne relâche pas la forte pression !

Bilan  : repos forcé pour BRIDAN, travaux forcés pour ENAWEN !!!

Dimanche 5 mai 2019 : destination Trébeurden

     Une nuit plutôt reposante grâce à la nette accalmie du vent. Un démarrage un peu retardé vers 9h00 par un emmêlage des 2 ancres d’ENAWEN et une bouée attrapée par un des safrans de BRIDAN…mais comme on y est habitué, on est vite débarrassé de ces désormais broutilles. Bien nous a pris de reporter notre départ à cette journée plus calme car les courants entre Batz et Roscoff sont déjà par eux-mêmes assez costauds. Tout le chenal est parcouru au moteur que l’on stoppe vers 10h00, car le vent dans le nez se prête à une allure au près serré que l’on ne quittera quasiment pas jusqu’à destination avec des vitesses variables allant de 2 à 6 nœuds.

     Quelques virements de bord pour casser la monotonie et permettre à ENAWEN et BRIDAN de se faire un petit bonjour ! Peu de chose au rang des anecdotes : un coup de moteur pour ENAWEN pour s’aider à sortir de remous plus près des côtes et une casquette à la mer pour BRIDAN quand son skipper relève la tête pour regarder sa girouette …et zou !… à la flotte la casquette !!! L’arrivée vers 16h00 au port de Trébeurden est un peu trop précoce, le seuil d’entrée n’étant pas encore suffisamment sécurisé. La capitainerie nous fera patienter 15 minutes pour nous donner le feu vert et nous assister pour l’arrivée au ponton visiteurs. La soirée s’achève par un apéro – pizza bien sympa chez les enfants de Michel, les locaux de cette étape.

Bilan :23,2 milles nautiques en 7h40, dont 74% à la voile

Lundi 6 mai 2019 : destination Ploumanac’h…mais non, finalement ce sera  Port Blanc

     « L’état-major » de la croisière a beaucoup cogité sur l’importance des courants en Manche qui peuvent fortement accélérer ou freiner l’avancement des bateaux selon les marées et le trajet à parcourir. On a donc revu à la baisse nos prétentions quant à pouvoir rallier en une journée l’Ile de Bréhat à partir de Trébeurden. Les alternatives relevant des ports ou abris intermédiaires sur ce long trajet, nous ont fait pencher prudemment sur 11 NM pour rallier Ploumanac’h. C’était donc le but en partant à 10h00 mais avec des prévisions de vent très faibles. Finalement après avoir quitté sans incident nos places de ponton puis emprunté le chenal au moteur, nous avons pu bénéficier d’un vent arrière parfois soutenu pendant les 2 premières heures où les voiles en ciseaux ont fait du bon travail.

     Puis pétole complète vers 12h00, au moment où les courants contraires se sont mis aussi de la partie. Les moteurs ont dû tourner jusqu’à 3500 tours pour contrecarrer parfois 2 nœuds d’opposition de courant. Mais on est parvenu à maintenir globalement une vitesse d’environ 3 nœuds aidé parfois par quelques retours de vent en allure près serré. Et c’est parce que ces vitesses ont pu être obtenues, qu’il a été décidé de passer Ploumanac’h, tout comme Perros Guirrec pour pousser jusqu’à Port Blanc (arrivée à 15h30). Port Blanc : Une anse simplement aménagée de bouées et entourée d’îlots donnent un caractère presque sauvage à cet endroit qui se ferme sur un front de mer longé de quelques jolies maisons et la bâtisse du Grand Hôtel (où évidemment nous nous restaurerons !)

     Petite péripétie : utilisant l’annexe d’ENAWEN pour la mission exploratoire du front de mer, le moteur n’ayant pas été relevé assez tôt au moment de beacher… la goupille de l’hélice a cassé. Dans la trousse à outil, ne manquait qu’un marteau pour chasser la goupille défaillante… heureusement, un large choix de galets se trouvait sur la plage et a permis de pallier cette carence. La réparation fut ainsi réalisée …sans trop se taper sur les doigts ! 

Bilan : 17,8 milles nautiques en 5h30, dont 36% à la voile

Mardi 7 mai 2019 : destination Paimpol

     Une nuit bien calme et à 9h45 c’est la séparation d’avec notre accueillante bouée de Port Blanc. Et c’est avec un vent de travers favorable qu’on s’apprête à parcourir les 32 NM de la journée. BRIDAN cafouille un peu dans ses réglages…c’est moins facile qu’au prés serré où le skipper se contente de border à fond foc et grand-voile ! Arrondir le foc et choquer la grand-voile ne seront pas suffisants pour faire aussi bien qu’ENAWEN qui sera le plus souvent devant durant cette route. Sur BRIDAN un peu après midi, le logement du manchon du pilote automatique s’échappe ….coups de marteau et sandow permettront de le maintenir tant bien que mal, mais cela n’arrangera  pas trop le skipper déjà pas très doué pour le régler en temps normal ! Pour autant, la seule force vélique continuera à nous faire avancer pendant 5 heures…jusqu’à ce que le changement de cap au Sud Est nous place avec le vent dans le nez, et malgré des virements de bord assez réussis on ne parvient malheureusement pas à gagner rapidement les 5 milles nautiques encore à parcourir…on met donc à 15h30  le moteur en route pour une suite qui sera plus mouvementée : mer de plus en plus agitée avec quelques traversées  de marmites et une bonne averse à venir.

     L’accès au port  à écluse de Paimpol est décrit comme délicat dans les ouvrages techniques…chenal étroit qui assèche à marée basse, ouverture et fermeture des portes de l’écluse selon les heures de marée…bref toute une étude théorique dont se charge le skipper d’ENAWEN qui se traduit par :

  • Une halte à l’ancre près de l’ïle St Riom à 17h15
  • Un lever d’ancre à 18h30 pour se diriger vers le chenal
  • Un passage à 19h30 de l’écluse (très incertain car une digue la cache à la vue avant le dernier virage, ne sachant pas si elle est ouverte ou fermée). On est obligé d’apprendre vite comment on s’agrippe aux cordages verticaux pour rester aux parois le temps du fonctionnement des portes.
  • Une arrivée au ponton A réservé aux visiteurs à 19h45, avec une seule place pour nos 2 voiliers. Insertion au chausse-pied !!!

     Une particularité sur l’annonce à faire sur le canal 9 à l’approche : la « capitainerie » c’est pour l’écluse et la « maison des plaisanciers » c’est pour les pontons…c’est un peu compliqué, surtout que personne ne répond !!!

Bilan : 31,6 milles nautiques en 8h25, dont 76% à la voile

Mercredi 8 et Jeudi 9 mai 2019 : relâche forcée pour raison de mauvaise météo

      2 journées qui seront remplies à la fois de levers tardifs et de petites siestes réparatrices. Mais pas que ! Quelques courses vivrières et quelques achats techniques : carte marine, sous-vêtements chauds, et menue quincaillerie pour que BRIDAN ait à nouveau son pilote automatique bien fixé. Ce sera chose faite via un établi improvisé pour perçage et adaptation de rondelles inox.  Mais au-delà de ces occupations classiques, deux amies de Michel (Annie et Odile) installées à Paimpol se sont occupées de nous comme des réfugiés : pour nous nourrir (chez elles ou en nous choisissant les bons  restaurants) et pour de nombreuses sorties éducatives : Port d’Arcouest, les statues des Veuves d’Islandais, Kerity Paimpol, Abbaye de Beauport, Mur des disparus …bref plein les yeux et plein la tête …le tout avec un extrême gentillesse compréhensible coté ENAWEN, mais tout aussi généreuse coté BRIDAN. MERCI à elles.

     Petite anecdote : ayant emporté un bouquin sur Robert Surcouf pour un petit bout de lecture chaque soir pour trouver le sommeil, jeudi soir arrivent  les dernières pages consacrées au dernier voyage de ce corsaire revenant sur St Malo. Il y fait mention le 4 février 1809 de tout ce que nous approcherons nous aussi :  Bréhat, Fréhel, Fort Lalatte, La Fresnais, St Cast, St Briac, St Malo… Pour Surcouf sur le « Charles » c’était le 4 février 1809 …pour  ENAWEN et BRIDAN, ce sera le 10 Mai 2019 !!!

Vendredi 10 mai 2019 : destination St Cast le Guildo

     Bon, finie la glande…il faut reprendre le boulot et compte tenu du petit décalage dans notre planning, nous décidons de faire route au début vers Erquy puis vers St Cast, port d’où NAÏMA (appelé aujourd’hui BRIDAN III) est arraché de ses origines, quand Michel et Gilles viennent prêter main forte à Daniel pour enlever ce First 25.7 en Avril 2018. C’est donc une sorte de pèlerinage avec retour sur les lieux du crime !

     A 9h00, la sortie du ponton ainsi que la sortie d’écluse de Paimpol se passent les doigts dans le nez…et bien c’est dans le nez des voiliers aussi que le vent rentrera pour avaler les 32 NM nous séparant de St Cast. Parfois à la voile (entre 9h00 et 12h20 au près serré) avec une découverte sur BRIDAN : du bon usage du chariot d’écoute du foc complétement reculé pour aplatir au maximum la voile avant sur cette allure…et là ça dépote ! mais le vent décroit et l’appui moteur est nécessaire. Puis nouvelle baisse du vent qui laisse le champ libre au seul moteur…et envoie la pluie pour les  5 dernières heures. A 18h30 c’est l’arrivée au port de St Cast et BRIDAN, ému de retrouver son port de départ pour le Finistère, en profite pour embrasser bien fort le ponton, et paf ! une écorchure sur le museau qu’il faudra ultérieurement cicatriser au gel-coat. Pour son anniversaire, son skipper lui offrira une sorte de protège tibia, pour amortir les inévitables contacts avec sa carène !

Bilan : 36,4 milles nautiques en 9h30, dont 37% à la voile

Samedi 11 mai 2019 : destination Chausey

     Jusqu’à présent il suffisait de marcher sur les routes plus ou moins connues nous menant de port en port. Mais maintenant il faut grimper le mur des îles qui s’élève de Chausey à Guernesey …la découverte de nouveaux territoires !

     C’est donc par Chausey qu’on commence en quittant St Cast à 9h00. Sans bobo supplémentaire ni au bateau ni au ponton. Et dès que les voiles sont hissées, le vent de travers 4 à 5B, nous emporte tout droit sur notre cap à 50° pour rallier le chenal du Sound sur Grande Ile à Chausey. La mer est bien formée, ça tape un peu, mais ça marche fort. Sans changer de bord, et en ayant largement réduit la taille des voiles avant, on arrive à 12h30 dans le chenal en ayant avalé 24NM…la meilleure performance jusque-là ! BRIDAN a bien profité de cette traversée tout en vent de travers…son skipper pense même avoir compris comment le régler à cette allure !

     On perdra plus de temps pour s’amarrer aux bouées visiteurs, avec leur anneau de tête en plastique qui rend impossible l’usage des gaffes plus ou moins automatiques. ENAWEN l’y perdra temporairement, mais finira par la récupérer et après moults essais finira par s’amarrer du haut de son plat bord.

     C’est ensuite un surplus d’effort sur ENAWEN pour mettre à l’eau l’annexe qui nous permettra d’aborder la plage des Blainvillais. Une belle petite promenade sur l’Ile Grande de Chausey, pour de belles vues, de beaux panoramiques, un fort désaffecté…et une belle pause chocolat chaud + tarte aux pommes à l’Hôtel du Fort.

Apéro et dodo !

Bilan : 23,9 milles nautiques en 4h30, dont 100% à la voile

Dimanche 12 mai 2019 : destination Gorey sur l’ïle de Jersey

     Le débriefing de la veille s’était conclu par un départ à 9h00 en remontant le canal Beauchamp qui nous permettra de traverser par son milieu les îlots de Chausey. A 8h00, le beau soleil illuminant l’archipel nous laisse penser que tout se présente sous les meilleurs auspices. Sauf qu’une brume épaisse nous fait rapidement disparaitre un à un les bateaux amarrés devant nous…on n’y voit presque plus rien …et la corne de brume du phare laisse entendre que la prudence est de mise ! Avec patience, nous attendons 9h45 pour mettre en route les moteurs et nous prenons la décision d’annuler le passage par Beauchamp (visibilité trop incertaine) au profit d’un contournement total par l’ouest.

     Comme par hasard, le vent faible prévu par la météo lui aussi se défausse et il ne sera jamais possible de faire usage de nos voiles ! C’est donc le moteur qui palliera cette carence pendant plus de 5 heures en nous faisant arriver à Gorey vers 15h30. Un nombre incalculable de bouées à casier ou à filet se sont dressées sur notre route entre Chausey et Jersey nous obligeant à garder quasiment en permanence un œil devant nos étraves.

     A notre entrée dans les eaux territoriales des Îles Anglo-normandes (Channel Islands), on se plie à la réglementation officielle en hissant sur tribord le « red enseign », pavillon anglais et le pavillon jaune « Q » dit de quarantaine qui permet aux douanes anglaises de remplir leur rôle de contrôle  des nouveaux visiteurs rentrant dans les ports Anglo-normands.

     Se décide à l’arrivée le choix entre un mouillage au port qui assèche et qui ne permettra pas de repartir le lendemain matin ou une tonne visiteur à l’extérieur  toujours en eau, donnant donc plus de liberté pour le départ du lendemain. C’est la dernière option qui est retenue. Mise à l’eau de l’annexe d’ENAWEN et balade dans la station balnéaire décrite comme une escale agréable…ah bon ?! Cela ne nous a pas sauté aux yeux : il n’y a que des restaurants en face du port vaseux et si les villas plaisent aux riches qui les ont fait construire, tant mieux pour eux mais nous ne sommes pas emballés. Impossible aussi de contacter l’agent du port…les autochtones interrogés nous ont dit bien le connaître et que pour le trouver il suffisait de rentrer dans tous les bars et d’appeler « Simon » ! On ne le verra pas, on repart fissa à l’annexe qui va bientôt se poser à marée basse et on retrouve BRIDAN et ENAWEN, côte à côte au corps mort.

     On se prépare au dîner à bord d’ENAWEN, mais curieusement le vent absent toute la journée se manifeste maintenant de manière de plus en plus violente : les bouteilles tombent, il est difficile de se tenir debout, la casserole bringuebale sur le réchaud…on mange vite et on s’attend à ce que la nuit soit agitée alors on place  entre nos 2 voiliers nos 12 pare-battages sur ENAWEN (son rail de fargue les  maintenant mieux que sur BRIDAN)

     Et ce sera le début d’une nuit cataclysmique, les bateaux vont se lancer dans un biathlon marin d’un genre nouveau (escrime et boxe thaï) : escrime avec passe d’armes entre les mats qui vont osciller l’un vers l’autre entrainant des gîtes excessives parfois parallèles mais souvent contraires et boxe thaï où presque tous les coups sont permis de l’avant, de l’arrière, sous la ligne de flottaison, ou par-dessus les rails de fargue. Des bruits de chocs d’une violence inouïe s’allient aux hurlements du vent dans les haubans. Impossible de fermer l’œil, Daniel et Michel sortent souvent ensemble la tête de leur cabine après un bruit anormal pour tenter de comprendre ce qui se passe. Des craquements et des crissements interviennent sans cesse et la gîte force à se cramponner dans les couchettes…et ça dure et ça dure toute la nuit quasiment sans accalmie. Et vers 6h00, comme un bruit d’explosion …la coque si mouvementée d’ENAWEN qui s’est montrée sous toutes les coutures par les hublots latéraux de BRIDAN…a disparu !

     BRIDAN est toujours au corps mort, mais plus ENAWEN, il n’y a plus que ses demi-amarres. Et derrière BRIDAN, ENAWEN déhâle tout droit vers la digue protectrice du port de Gorey (quand on est dedans) …mais dehors cela devient un  véritable danger. Daniel appelant immédiatement Michel au téléphone, celui-ci lui fera le bonheur d’apparaître en pyjama, certes, mais surtout en démarrant son moteur pour tenter de retrouver le contrôle des éléments ! Ce sera ensuite une leçon de rodéo avec envoi de lasso pour amarrer ENAWEN au taquet arrière de BRIDAN, idem pour renvoyer les pare-battages de BRIDAN qui étaient tous fixés sur ENAWEN…

     Et il est maintenant 7 heures, l’essentiel est sauf, l’inspection des coques et des gréements ne révèlent aucune trace de cette incroyable bataille nocturne. On ne va pas rester plus longtemps dans cette mauvaise passe …et on est de toutes façons déjà un autre jour alors qu’on n’a pas dormi !

Bilan : 24,6 milles nautiques en 5h15, dont 5% à la voile

Lundi 13 mai 2019 : destination St Helier

     Compte tenu du déroulement des dernières 24 heures, Gorey n’a plus la cote ! Et c’est d’un seul élan que nous décidons de déménager car les prévisions déjà connues de vents violents pour les 2 prochains jours ne nous rassurent pas si on reste sur Gorey.

     Il est 7h30 et déjà bien échauffés par notre activité très matinale, nous démarrons les moteurs direction plein Est pour redescendre au sud de Jersey pour la capitale St Helier.

     A partir de 8 heures tout se fera à la voile avec un vent d’est soutenu 4-5B que l’on utilisera à toutes les allures successivement près serré, près, travers, grand largue voire vent arrière. Et avec des vitesses oscillant entre 5 et 7 nœuds. Ça rattrape du cauchemar de la nuit passée !

     Devant St Helier, une grande rade nous permet de préparer les bateaux à leur entrée dans le port : pavillons hissés, voiles affalées, pare-battages en place et appel à la capitainerie…en anglais ! Pas trop facile mais avec de la bonne volonté et en se mettant à plusieurs on arrive à comprendre qu’il faut attendre à un ponton avant de pouvoir franchir le seuil d’entrée de Saint Helier Marina.

     10h00 : rade, 10h30 : avant-port, 10h40 : ponton attente, 11h15 passage seuil, 11h30 : catway E

     Ouf tout est fait ! Et on va trouver St Helier bien plus beau que tout ce qu’on avait pu lire !

     Un Fish and Chips délicieux, une petite balade au centre-ville et une petite séance de rangement bricolage avant de dîner sur ENAWEN …et ce sera vite fait un plongeon dans des rêves moins noirs que ce que nous avons vécu la nuit précédente !

Bilan : 12,6 milles nautiques en 3h, dont 100% à la voile

Mardi 14 mai 2019 : relâche à St Helier

     Cette journée de récupération est la bienvenue. On l’utilise tranquillement pour :

  • le matin, faire le tour des shipchandlers pour acheter un pare-battage « boomerang » qui, faute d’avoir trouvé un « protège- tibia » fera momentanément l’affaire pour protéger l’étrave de BRIDAN, que son skipper continue à martyriser .
  • l’après-midi, faire du vélo dans le centre-ville très vivant de St Hélier, le centre-ville, le central Market, les rues piétonnes et aller voir la mer au-delà du quartier du port…on ne la verra pas, car au détour d’un promontoire, on débouche sur un immense complexe pétrolier ! On comprend alors mieux pourquoi St Hélier n’a pas toujours la cote dans les guides touristiques !

Mercredi 15 mai 2019 :  destination Sark

     Après une nuit confortable, on ne se hâte pas trop car coincé par la marée encore basse, le seuil ne sera franchissable que l’après-midi. On en profite pour passer 1 bonne heure dans le musée maritime qui jouxte le port…très pédagogique et didactique avec maquettes et nombreux supports interactifs pour intégrer les notions de vent, de marée…et apprendre aussi par l’exposition de tapisseries locales, la pénible invasion allemande subie par les jersiais, lors de la seconde guerre mondiale.

     Bon tout cela nous amène à 14h00 à larguer les amarres, et à BRIDAN, de bénéficier encore une fois d’une touchette avec les 2 moteurs relevés d’un gros hors-bord !

     Le vent arrière n’est pas bien fort alors on libère les ris. ENAWEN s’en sort bien, BRIDAN moins bien, un petit rattrapage moteur s’invite en renfort ! Mais vers 16h00, le vent tourne au travers et on file à 6 nœuds…c’est bon. Et c’est finalement assez rapidement vers 18h30 qu’on touche Sark au Havre Gosselin. Belle anse, encadrée de falaises granitiques que l’on escaladera par un escalier de 299 marches, permettant une vue plongeante sur la huitaine de bateaux qui y mouillent, dont ENAWEN et BRIDAN. BRIDAN est favorisé, il a droit à la dernière bouée visiteur, ENAWEN est sacrifié, il doit mouiller ses 2 ancres !

     Repas à bord d’ENAWEN et chacun chez soi avec dernière rotation de l’annexe ! Dodo tout le monde !

Bilan : 23,5 milles nautiques en 4H, dont 100% à la voile

Jeudi 16 mai 2019 : destination St Peter /Guernesey

     Une nuit trop « cool »… dans le sens premier du terme anglais : ça caille !!! Les 3 couches de duvets ne sont pas de trop pour se réchauffer…d’autant que les courants qui traversent le Havre Gosselin perturbent aussi un peu le sommeil. Mais ce n’est rien par rapport à l’épisode vécu 4 jours plus tôt à Gorey !

     Une difficulté cependant pour ENAWEN qui mettra ½ heure à débrouiller ses 2 ancres…coté BRIDAN on ne peut que regarder son skipper se dépêtrer tout seul de cette affaire. Mais bon, à 9h30 tout est clair et on part direction Herm.

      Le vent au près puis de travers est modéré, mais il nous pousse tout de même vers Herm qu’on atteindra vers 11h30. On s’en approche jusqu’à pénétrer dans son petit port qui est presque à sec. Le « trou d’eau » laissé par la marée basse nous force à plutôt  faire demi-tour et repartir afin de laisser la place à une navette qui vient ramasser quelques touristes venus passer une nuit insulaire. 

     Redirigés vers St Peter (avec appui moteur pour passer les tourbillons autour d’Herm) nos 2 voiliers passent derrière 2 paquebots de croisière, un MSC dont les centaines de passagers sont ramenés à bord par une noria de vedettes portuaires, et le Queen Mary 2 dont la majesté le distingue nettement des bateaux-immeubles actuels. Puis, bien plus modestement nous annonçons notre approche à la capitainerie par VHF, et c’est le petit canot d’un placier qui nous accompagnera à 12h15 jusqu’au ponton d’attente, en attendant que le seuil du port de Victoria Marina ne soit plus un obstacle pour un amarrage définitif au ponton B. Ce sera fait à 15h30…et BRIDAN ne souffrira pas du moindre contact avec autrui !!!!

     Les douanes nous rendent visite avec courtoisie et nous faisons de même avec les autorités portuaires, pour régler notre séjour et bénéficier des commodités. Un petit tour à pied dans la ville nous met en confiance pour la relâche que nous avons envisagé pour les 2 prochains jours.

Bilan : 12,2 milles nautiques en 2h30, dont 100% à la voile

Vendredi 17 et samedi 18 mai 2019 : relâche à St Peter

      Ce serait mentir que de dire que nous ne sommes pas un peu fatigués, mais ce qui nous pousse à relâcher dans ce port en pleine ville c’est aussi une météo qui n’annonce pas de vent favorable pour les prochaines 48h. Alors profitons !

     Vendredi matin, nous avons pris rendez-vous à 10h avec Victor Hugo ! Il n’était pas là ! Mais nous serons accueillis par une bien jolie demoiselle qui nous présentera le travail d’un designer d’intérieur d’un genre très spécial …qui me fait dire qu’un extraordinaire talent qui s’exprime dans l’écriture n’est pas la garantie d’un même talent  dans le découpage des tapisseries d’Aubusson ou dans  l’encollage des carreaux de faïence ! Victor Hugo aurait dit un jour : « Je suis né pour être décorateur » et heureusement pour notre patrimoine culturel, il savait surtout bien écrire.

     L’après-midi, une visite rapide du Castle Cornet à l’entrée du port nous fait prendre l’air mais aussi connaissance du passé très mouvementé de ces îles anglo-normandes qui ont connu tant de convoitise stratégique.

     Samedi matin, une visite en bus à travers le nord et le centre de l’ile nous montre de verts bocages, des plages au sable gris ou blanc, des serres horticoles, et de jolies maisons en granit bleu d’exploitation locale. Et une halte surprenante pour « contempler » la chapelle dite la plus petite du monde. Encore de la faïence, mais pilée pour façonner une chapelle à la mode du facteur Cheval…à moins que Victor Hugo ne soit encore passé par là !

Dimanche 19 mai 2019 : retour vers la France, destination  l’Île de Bréhat

     Cette destination est inscrite depuis le début dans notre planning comme la charnière de notre voyage à mi-parcours et surtout comme étant la plus longue avec 47 NM à courir ! Alors départ exceptionnel à 7h00 ! Les 2 premières heures requièrent le moteur de 3 voiliers matinaux, un 3° larron s’étant invité en nous toisant de quelques 10 pieds supplémentaires…qui ne lui servent à rien non plus  puisque le vent n’est pas là. Mais c’est lui qui tentera le premier un envoi de spi et qui nous incitera à hisser les voiles en ciseaux et croiser alors à 3 ou 4 nœuds…mais le spi semble bien adapté, et ENAWEN initie le changement de voile, BRIDAN en fait de même vers 10h20…pour la 1ère fois ! Et ça marche bien pour tout le monde. Les réglages sur BRIDAN font parfois claquer la voile, mais l’écoute bordée ou choquée modère ces accoups et participe à des vitesses allant de 5 à 7 nœuds bien appréciables rapport à la distance à parcourir. Tout va bien ça file tribord amure, enfin tout allait bien jusqu’à 11h40 …à cet instant l’écoute du spi sous le vent vient de se dénouer sur BRIDAN

     Pas grave, en rapprochant le spi on pourra la renouer…mais pour le rapprocher il faut le ré-enrouler et donc utiliser l’emmagasineur Spinex qui dans les vidéos avale comme un rien les dizaines de m2 de spi ! Sauf que sur BRIDAN, pas un cm2 ne s’enroule et en cas d’embardée on ne pourrait rien faire pour empêcher la catastrophe. Il faut donc agir autrement et ce sera un combat d’une ½ heure pour reprendre la drisse et l’étai en même temps qu’empêcher le spi dégueulant de partout, d’enrouler le foc ou de passer à la flotte ou pire sous le bateau …  ENAWEN, inquiet aura lui aussi affalé le spi, fait route sur BRIDAN au moteur pour porter une éventuelle assistance complémentaire, mais tout est fini, tout le barda trempé est fourré dans le sac …et on verra plus tard.

     A midi, on reprend la route voiles en ciseaux, ça marche déjà bien assez comme cela, d’autant que vers 13h00 le vent se renforce et les 5 à 6 nœuds sont régulièrement atteints jusqu’à 17h30. Des marmites localement  fortes ralentissent les vitesses et un courant très fort impose le moteur qui a bien du mal à empêcher nos voiliers de reculer. ENAWEN trouve une parade en s’éloignant plus au large et retrouvera de la vitesse…mais toujours au moteur jusqu’à notre arrivée aux bouées de « La Chambre », notre escale à Bréhat à 19h30. Bien rincés par ces péripéties et efforts, les skippers iront au lit rapidos après le repas ENAWENNIEN !

Bilan : 46,6 milles nautiques en 11h, dont 59% à la voile

Lundi 20 mai 2019 : destination Port Blanc

     Cette escale nous avait tellement plu à l’aller, que ne pas y retourner aurait été dommage. A 9h00 on quitte donc nos bouées de Bréhat et on suit gentiment les conseils de nos GPS qui préfèrent que nous fassions le tour complet de l’Île plutôt que le gymkhana imposé par les nombreux rochers présents dans le chenal de Tréguier proche du continent. La moitié du tour de l’île se fait au moteur avec le vent dans le nez, mais avec un courant porteur qui nous autorise une vitesse de 5 nœuds…l’inverse de ce que nous avions la veille !

     Au nord de l’île, on passera souvent de zones calmes à zones agitées voire très inconfortables lorsque nos voiliers se transforment en chevaux sauvages voulant désarçonner leur cavalier (image un peu forcée) !  Mais à 11h00, l’île est quasiment contournée, et une allure de près serré s’offre à nous. ENAWEN, en profitera moins en restant plus près de la côte, tandis que BRIDAN, via 3 virements de bord, n’utilisera que la force vélique pour rallier notre cher petit Port Blanc. Il nous avait gardé nos bouées ! A 13 h00 amarrages, à 14h00 cuisine de BRIDAN sur ENAWEN (événement rare !) et à 15h00 siestes ! Pour conclure la journée un petit dîner au Grand Hôtel et un retour habituel aux voiliers avec l’annexe d’ENAWEN.

Bilan : 20,3 milles nautiques en 4h, dont 75% à la voile

Mardi 21 mai 2019 : destination prévue Trébeurden finalement Roscoff

     Tout était bien préparé : un réveil matinal pour un départ à 7h30 pour assurer une arrivée avant 13h00 pour passer le seuil du port de Trébeurden, et avec l’espoir du maintien d’un vent de 2 à 3 B prévu par Marées-Info pour s’amuser un peu. Mais ce sera  brume épaisse et pétole durant une grande partie de la matinée. Sécurité avant tout, les 2 voiliers se suivent de près avec feu de navigation, corne de brume, lampe flash…et les yeux des skippers bien ouverts. Et les oreilles aussi, puisqu’un message du Sémaphore de Ploumanac’h nous parvient sur le 16 pour savoir si nos bateaux repérés si serrés sont en difficulté.

     La réponse d’ENAWEN rassure tout le monde mais une autre info plus déroutante viendra un peu plus tard nous annoncer que le port de Trébeurden sera fermé à partir de 10h40 et ne rouvrira qu’à 19h00 pour des raisons techniques ! Notre planning tombe à l’eau et on décide de pousser plus loin c’est-à-dire sur Roscoff. Une heure avant d’arriver, un léger vent dans la rade de Roscoff permet une petite régate à la voile avec des pointes de 4 à 5 nœuds…ça fait du bien après plus de 4 heures de moteur …heureusement appuyé par un courant favorable !

     Mais il n’y aura pas que notre plan initial pour tomber à l’eau. En effet sur BRIDAN, les préparatifs d’arrivée au port sont toujours sujet à stress. Et cette fois, c’est un pare-battage qui tombe à l’eau ! Comme c’est un gros, cela mérite une manœuvre  de repêchage…enfin plusieurs manœuvres, car récupérer un boudin de plastique sans prise, nécessite des contorsions qui placent l’exécutant dans des positions limites…voire tellement limites, que le bonhomme glisse sous la filière ! Il se rattrapera in extrémis d’un bras à un chandelier. Chaussures, pantalon et bas de veste de quart trempent dans la mer et ça pèse un peu pour remonter tout ça à bord. Une première jambe revenue enfin sur le plat bord permettra à l’ensemble de remonter ! Ouf, ce n’était pas pour cette fois, le gilet de sauvetage ne s’est d’ailleurs même pas déclenché.

      Le reste des opérations se passera bien pour les 2 bateaux. Amarrés aux catways, les skippers feront le plein en gas-oil, en gaz butane, en eau douce…déplieront les vélos pour un petit tour au vieux port, prendront enfin une bonne douche, avant de finir au restaurant « c’est ici » dont les patrons se souvenaient de notre passage l’an passé lors du convoyage de BRIDAN et de BLANJUME.

Bilan : 28,7 milles nautiques en 6h30, dont 31% à la voile

Mercredi 22 mai 2019 : destination L‘ Aber Wrac’h

     Ce mercredi matin, ce sont les nombreux coups de corne de brume des ferries qui réveillent le port de Roscoff…et effectivement, quand on ouvre un œil, et bien …on ne voit pas très loin. La brume d’aujourd’hui nous offre les mêmes perspectives de départ au pifomètre que celle d’hier…Mais non, sitôt la digue du port franchie à 9h00, le brouillard s’évapore et laisse généreusement la place à un beau soleil qui ne nous quittera pas de la journée. Il fera même chaud sous les casquettes…sauf celle que BRIDAN a perdu hier en rattrapant acrobatiquement son pare-battage, et qui aura fini ainsi tragiquement sa carrière de couvre-chef !

     Cette belle lumière matinale permettra à nos 2 voiliers d’emprunter le chenal de Batz  et de contempler simultanément les 2 rivages de  l’île et du continent. Le passage se fait prudemment au moteur et guidé au GPS. Et vers 10h00 on pourrait alors hisser les voiles, mais non, pas un souffle de vent, alors moteur et courant favorable  s’allient pour nous permettre d’avaler des milles nautiques. Ça laisse du temps aux skippers pour réfléchir à des tas de choses ou s’amuser avec les mots. Exemple sur BRIDAN, l’invention d’une devinette de circonstance. Quelles différences entre Pétole et Pétrole ? Pas d’AIR pour le premier et on n’avance pas. Mais avec 1 R en plus pour le second, forcément ça change tout …surtout si on a un bon moteur !

     Plus sérieusement la pétole s’éternise, mais vers 12h00, un frémissement nous fait hisser les voiles et ce n’est finalement pas si mal d’avancer à 4 ou 5 noeuds pendant une paire d’heures. ENAWEN sortira même son spi brièvement, tandis que BRIDAN, au grand largue, découvrira l’efficacité du foc tangonné sur le même bord que la grand voile. Ce bol d’air s’épuisera de lui-même et nous finirons les 4 derniers milles au moteur pour embouquer le long chenal de L’ Aber Wrac’h où nous attendra un placier pour l’accès aux catways. Arrivée : 16h30. Douche, apéro et petit repas galette pour achever cette journée.

Bilan : 31,7 milles nautiques en 7h30, dont 53% à la voile

Jeudi 23 mai 2019 : destination prévue L’ Aber Ildut…mais ce sera Le Conquet

     Un parcours d’environ 18 milles nautiques nous semblait bien suffisant pour une journée annoncée sans vent…et c’est vers L’Aber Ildut que nous partons ce jour à 8h30. Et malheureusement comme prévu : pas de vent ! Donc les moteurs ne serviront pas qu’à sortir du port et d’ailleurs ils vont faire tout le travail dans la descente du chenal du Four !  Mais aidés par un courant de marée descendante qui nous pousse du Nord vers le Sud, les moteurs ne tournent qu’à 2300 trs/min et nous sommes surpris par une vitesse qui approche les 5 nœuds. Avec cette vitesse nous pourrions atteindre l’Aber Ildut vers midi ! On ne va quand même pas s’arrêter si tôt…alors on poussera jusqu’au Conquet qu’on atteindra finalement assez rapidement, et en ayant enfin pu utiliser  nos voiles en bénéficiant d’une risée  par le travers qui nous portera de 12h30 jusqu’à notre arrivée à 14h00 aux bouées visiteurs du port du Conquet.  Et avec une vitesse de 3 à 4 nœuds à la voile …ce n’est pas si mal …par ces périodes de pétole.

     On aura aussi pu voir à l’horizon se découper les profils du chapelet des îles d’ Ouessant jusqu’à Béniquet, avoir la visite furtive d’un dauphin solitaire ou encore rencontré des centaines d‘oiseaux regroupés en bande sur la mer, et qui se sont envolés à notre approche dans un bruissement de plumes.

     Au Conquet, ayant déjà visité la ville à l’aller, nous allons sur l’autre rive pour admirer une superbe plage de sable blanc… seul un groupe de marcheurs aquatiques empêche de voir en cette anse, l’abord d’une terre encore inhabitée. Sauf qu’à l’extrémité de cette baie, se distingue tout de même la station du Cross Corsen ! Là ça fait tout d’un coup un retour à la civilisation !!  

     On profite de l’amarrage de Bridan à sa bouée et d’un vent faible, pour modifier l’étai du spi afin que l’utilisation de l’emmagasineur soit facilitée pour les manoeuvres  d’envoi et de reprise de cette voile. Et cette modification se révèlera très profitable !

 Bilan : 23,8 milles nautiques en 5h30, dont 27% à la voile

Vendredi 24 mai 2019 : destination Camaret

     Après une bonne nuit, les 2 skippers sont prêts avant l’heure et c’est à 8h40 qu’on  libère   nos bouées (bien sages cette fois, elles n’ont pas trop tambouriné les carènes!). Un vent léger au sortir du port du Conquet autorise quand même  les voiles en ciseaux mais c’est un petit 3 nœuds que l’on aura du mal à tenir. Encore plus difficile lors du passage des grosses navettes qui génèrent des vagues perturbatrices lorsqu’on croise leur sillage. Tous les réglages patiemment calculés pour gratter quelques centièmes de nœud sont totalement à reprendre, en même temps que le rangement des cabines ! De toutes façons à 10h00, on n’avance plus !

     ENAWEN envoie son spi, et BRIDAN voit son compère s’éloigner, il doit l’admettre ça avance bien mieux, et décide  de faire la même chose. Cela prendra ½ heure, avec quelques noeuds de la drosse d’emmagasineur autour du bout dehors qui oblige à reprendre une partie de la manœuvre, mais au bout du compte c’est la récompense : ça  accélère aussi sur BRIDAN avec son beau spi aux couleurs jaune et orange du Pays Bigouden. ENAWEN, en bon camarade, est revenu en assistance sur toute la durée de cette opération. Et de conserve les 2 voiliers vont nettement mieux profiter du vent portant, pour atteindre à 14h30 les catways du port « Notic » de Camaret. De bonnes pâtes au thon à la cantine d’ENAWEN, une petite sieste digestive et une belle balade (apéritive!) sur tout le périmètre de l’anse et ce sera l’heure de manger une demi-douzaine d’huîtres dans « la Rhumerie » avec vue sur le port, puis on retourne dans nos habitats marins !

PS : un problème d’ordinateur, compliquera  en soirée la vie du narrateur, qui a failli perdre tout ce qu’il avait quotidiennement écrit depuis le début de cette croisière. Mais  comme un pro de l’informatique fait aussi partie de l’équipage d’ENAWEN, une solution a été évidemment trouvée !

Bilan : 11,4 milles nautiques en 3h50, dont 100% à la voile

Samedi 25 mai 2019 : destination Morgat

     Cette étape d’environ 18 NM qui se présente dans des conditions acceptables avec du vent 3 B, démarre à 8h45. Les catways de Camaret sont quittés sans difficulté particulière et si le vent est suffisant dès le départ, il aura la bonne idée de perdurer jusqu’à notre arrivée à Morgat. Les changements de cap étant inévitables pour contourner les Tas de Pois et la pointe St Mathieu, les allures et les réglages appropriés nous feront marcher successivement au près serré, puis au portant avec les voiles en ciseaux, puis au spi lorsque le vent faiblira, et enfin avec un vent de travers dans l’anse de Morgat. Mais toujours en condition de mer calme et avec des vitesses agréables oscillant entre 3 et 5 nœuds. Sans incident notable à l’exception d’un manque d’inattention qui aurait pu coûter cher à BRIDAN lorsque qu’une cardinale ouest a été passée par l’est à hauteur du rocher du Chevreau…heureusement que ce rocher était affleurant et qu’il a été vu à temps. Il aurait été dommage de heurter un chevreau en bateau alors que suffisamment de chevreuils se font déjà culbuter par les voitures !

     L’arrivée à 13h15, sous le soleil,  dans cette magnifique anse de Morgat finira de nous laisser  une superbe impression tant par la beauté des falaises côtières que par le plaisir d’une belle navigation. Enfin, balade et diverses collations achèveront cette remarquable journée. On peut s’endormir heureux !  

Bilan : 16,6 milles nautiques en 4h30, dont 100% à la voile

Dimanche 26 mai 2019 : destination Audierne

     Si le ciel avait été plus lumineux, cette étape aurait été plus qu’une étape de transition, car traverser la baie de Douarnenez, passer le Raz de Sein et amorcer la Baie d’Audierne promettaient de belles images. Malheureusement, dés 8h45,  on aura voyagé dans 50 nuances de gris ! Avec de la bruine ou du crachin ou des embruns…mais jamais sous un bon rayon de soleil. Tant pis il y aura quand même eu du vent sur l’essentiel du parcours : près serré dans la baie de Douarnenez  et voiles en ciseaux dans la baie d’Audierne avec des vitesses entre 3 et 6 nœuds selon les allures et les bords. Quelques virements de bord à la voile plutôt réussis et quelques « remontada » au moteur quand le cap est trop long à rattraper !

     Mais le passage du Raz de Sein, pourtant avec le jusant, a nécessité 1h30 de moteur à régime soutenu pour passer barres et marmites ! Il est vrai que dans la grisaille ce passage n’est pas très sympathique…et Bon Dieu que ça remue ! Les vagues à cet endroit ont instauré l’anarchie…elles font penser à une foule déchainée se ruant sur un suspect pour le lyncher. Elles arrivent de partout, courtes, gorgées de puissance, fortes, violentes, inattendues…et c’est le grand rodéo quand nos voiliers rentrent dans la danse. Ils sont chahutés en tout sens. ENAWEN se retrouve soudain à l’oblique, la proue cabrée avant de retomber lourdement, la poupe tentant une ruade ! BRIDAN n’est pas plus à la noce avec une succession d’embardées tant bien que mal maîtrisées. On sort enfin de ce tumulte…tout secoué !!!   Et heureusement, le contournement par l’Ouest de la Vieille et de la Plate fut guidé par ENAWEN. A posteriori ce choix apparait comme une bien meilleure option que ce que le GPS de BRIDAN  préconisait en faisant prendre un étroit passage plus à l’Est ! Ce pourrait être un sujet d’animation hivernale à débattre avec les « pros » du routage !

     Toujours est-il que tout ça fatigue probablement le matériel, mais encore plus sûrement les carcasses des skippers !

      Arrivés à 17h15 au port d’Audierne, les 2 voiliers ont la chance de pouvoir s’amarrer aux 2 seules extrémités restantes des pontons pour les visiteurs.  Ensuite c’est toute l’activité afférente aux gens du voyage qui se répète comme tous les jours : arrimages, rangements, branchements, douche, avitaillement,  relevés techniques…Et pour cette avant-dernière étape on a fait tout ça aussi…et on va encore s’endormir heureux …mais épuisé, non sans avoir dégusté auparavant  un délicieux lobster burger au restaurant CEVE

Bilan : 31,3 milles nautiques en 8h30, dont 88% à la voile

Lundi 27 mai 2019 : destination : la maison c’est-à-dire KERITY !

      Un départ à 9h00 d’Audierne, juste après avoir partagé les croissants que  Thierry a eu la gentillesse de nous apporter, et à la sortie du chenal, les voiles sont hissées « en ciseaux » pour utiliser le vent portant du Nord Ouest. Les 5 à 6 nœuds sont vite atteints et presque constants. Ça va vite et on se retrouve même avec un 3ème voilier à « régater » jusqu’au passage du Men Hir. Le vent forcit et l’infléchissement de cap pour se diriger vers l’entrée du chenal de Firbichons-Runniec, imposent une allure « vent de travers » babord amures avec un foc réduit…BRIDAN piaffe de retrouver ses copains du port et le chenal sera franchi à plus de 7 nœuds ! ENAWEN et BRIDAN affalent ensemble les voiles et pénètrent à 12h30 dans le port pour aller directement au quai. ON VA ENFIN POUVOIR SOUFFLER !

     Pour nous accueillir, les premiers amis du VdE  sont là : Benjamin, Gueno, Hélène, Claude, Jean, Isabelle, Jean-Michel…et c’est à 18h00, lors de la réunion VdE du lundi au bureau du port, que les « croisiéristes » vont prendre connaissance des dernières nouvelles, faire part de leurs premières impressions…et reprendre l’habitude du verre de cidre pour clore classiquement  la réunion.

Bilan : 19 milles nautiques en 3h45, dont 100% à la voile

Daniel D.

 

Retour aux Anglos-normandes

 


Leave a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

... autres sites météo