Il était prévu de longue date un voyage devant nous mener aux grottes de Morgat et de pousser jusqu’à Ouessant… et bien le vent d’ouest bien établi pour cette période vers l’ouest nous amène à partir dans l’autre sens !
Mardi 17
Bon, après avoir fait l’avitaillement la veille, on se retrouve à 3 bateaux pour filer vers les Glénan, KERVILY, juste pour un bout de route d’accompagnement, et ENAWEN et BRIDAN pour croiser aussi loin que possible avec la seule limite un retour sur Kérity pour le 25.
Les prévisions météo ne sont pas bonnes pour les prochains jours. Comme pour la route du Vin des Etocs en mai dernier. A une nuance près, en mai on devait faire des relâches pour cause de vent fort, en août c’est l’absence de vent qui nous attend. Il va falloir s’adapter.
Alors on s’adapte avec tout de même un départ favorable par le chenal de Penarguer emprunté dès 10h00. Les voiles en ciseaux et le spi seront alternativement utilisés tout au long du parcours. KERVILY nous prendra en photo au large d’Ar Guisty avant de retourner au bercail. Nos spi asymétriques n’apportent pas grand-chose par rapport aux voiles en ciseaux avec un vent arrière pile poil dans notre dos. Les manœuvres au spi en solitaire sont toujours un peu délicates… et Michel lors du ré- enroulement de son spi va laisser filer une écoute dans son hélice ! Qu’il sera obligé de couper pour retrouver sa manœuvrabilité. Pendant ce temps-là, exceptionnellement tout va bien pour BRIDAN qui fait route vers La Pie entouré d’une joyeuse bande de dauphins.
Les 2 bateaux se retrouvent ensemble pour arriver aux bouées de la Chambre à 13h30. Une belle performance de vitesse en ayant parcouru 18 miles en moins de 4 heures.
Une rapide petite pause car Michel est décidé à plonger pour inspecter la situation sous sa coque. Aussitôt dit aussitôt fait et le voilà engoncé dans sa tenue d’homme grenouille. Sa cagoule bien ajustée le fait ressembler au Commandant «Couchtôt», le fameux explorateur au célèbre bonnet rouge, pour Michel qui n’a pas pour habitude de se coucher de bonne heure est donc baptisé dans l’instant Commandant «Couchtard».
Très courageusement, Couchtard, pris d’une forte crise d’apnée (juvénile ?), s’enfonce dans l’eau claire mais pas chaude des Glénan, et disparaît sous la coque. Mais en 2 ou 3 plongées il ressort victorieux tout heureux d’avoir débarrassé son hélice de 4 mètres d’écoute rouge toute entortillée. Chapeau Couchtard !!! Un atelier de couture est ouvert dans l’instant d’après pour rabouter l’écoute. Il sait tout faire Couchtard !
La soirée s’achève par un bon bœuf bourguignon des « pâtures oubliées » de Yohann avec les petites patates de BRIDAN.
Mercredi 18
Pas de surprise au réveil, le vent sera faible ! Et on le vérifie dès la sortie en débordant Penfret à 10h00. Moteur indispensable jusqu’à 12h00. Puis ENAWEN hisse les voiles, BRIDAN en fait autant, le vent arrière bien aligné dans l’axe du bateau, les voiles en ciseaux sont à nouveau notre solution.
Rien de bien spécial sinon que de se féliciter d’aller allègrement au-delà des 4 nœuds. Ce qui nous fait arriver à Port Tudy à 15h30 aux bouées à embossage. Les placiers sont à la manœuvre et ils ne chôment pas, le port est plein à craquer. Plus de place aux pontons et dans l’avant port on se croirait en Asie, comme dans un enchevêtrement de jonques !
Bref ENAWEN est placé en premier et BRIDAN se trouve à couple. Une petite virée en annexe pour se désaltérer au café en face de la cale avec 2 mojitos et arrive le temps du dîner sur ENAWEN pour prendre la décision de rester à Port Tudy demain… car la prévision rarissime de marée info Indique un zéro de vent dans l’intervalle 8h-10h pour demain !
L’activité est dense dans cette partie du port avec des entrées continues de voilier qui s’additionnent aux allers et retours des navettes à touristes qui font bouillonner le port avec leurs propulseurs d’étrave et pleurer les petits enfants avec leur grands coups de corne de brume à chaque arrivée ou départ. Heureusement, ça se calme en fin de journée alors…dodo
Jeudi 19/8
Bon le style télégraphique sera désormais de rigueur pour ces fichus jours de relâche !
Vent nul en ce début de matinée. Cela conforte la décision prise la veille de traîner un peu au lit !
9h30 – 11h00 : bricolage sur ENAWEN et rédaction du journal de bord de BRIDAN pour les premiers jours
11h – 11h30 : annexe à la rame A/R au quai pour un petit café
12h – 13h : annexe à la rame A/R au restaurant « Pub de la Jetée ». D’ailleurs on s’en jette un d’entrée pour l’apéro et suivent huîtres, thon et soupe de fraise, un café et l’addition.
Jusqu’à 16h : sieste pour laisser se purger un crachin tenace
16h – 18h : re annexe A/R pour circuit en vélo électrique de location : Port Lay – Locmaria – Pointe des chats – Plage convexe des grands sables – Douches du port
21h30 : bonsoir tout le monde, après avoir décidé pour le lendemain une des plus courtes étapes jamais réalisées : 6 nm pour rallier Port Louis. Toujours par faute de vent dans les prévisions.
Vendredi 20/08
Toujours la même cause avec les mêmes effets, faute de vent, cette étape est à considérer comme dans le Tour de France comme une étape de liaison.
9h45 : pas de vent. Ce sera donc moteur jusqu’à Lorient /Port Louis sous un ciel gris.
12h00 : arrivée au catway avec l’assistance des placiers tout à notre disposition.
13h00 : un apéro sur ENAWEN suivi d’un déjeuner au Tan’Pouce, restaurant aux 101 recettes de moules juste en face des pontons au pied des remparts. OK pour les moules, sauf qu’on choisira un dos de cabillaud et de l’andouille de Guéméné !
14h00 : finie la rigolade. Daniel prend de la hauteur avec l’aide de la « super manivelle de winch » Milwaukee de Michel pour replacer sa girouette à 11m, hauteur maxi du mât de BRIDAN.
14h30 : pas de temps mort. On replace les écoutes recousues sur le Spi d’ENAWEN et on répare la charnière de sa baille à mouillage.
15h00 – 17h00 : Repos des guerriers
17h00 – 18h00 : Balade au bourg de Port Louis
18h30 – 20H30 : Douches – Apéro – Assiette crudités (ça repose l’estomac)
21h30 : dodo après décision prise pour l’heure du départ du lendemain : 9h00, et pour la direction : Sauzon / Belle Ile
Samedi 21/8
La pluie qui cogne sur le pont, c’est un réveil automnal dès 8h00 du matin. Bon ça ne s’annonce pas trop bien. Il fait gris, pas de vent ni dans les pavillons qui sont en berne, ni dans les prévisions immédiates. Mais quand c’est l’heure, c’est l’heure, il est 9h00…on largue les amarres. On est un peu tout seul à sortir de si bon matin dans la rade de Lorient.
Le moteur va ronronner pendant une bonne heure, le temps de se dévier du vent qui commence à se lever mais droit debout devant notre nez. Et le crachin dense sous un ciel gris foncé ne nous donne pas envie de retirer les cirés !
Un long bord au près serré (à 90 degrés de notre route idéale) va nous mener de 10h00 à 12h00 jusqu’à lécher les pierres noires. Au virement de bord suivant, on est quasiment toujours perpendiculaire à la route espérée. C’est justement désespérant, alors on redemande une fois de plus au moteur de nous aider à aller où on veut (à Sauzon), vite (4nœuds) et fort parce que vent, courant et vagues sont contre nous !!! Une nouvelle tranche de 2 heures s’ouvre donc pour enfin avancer.
Le bon côté des choses ? Il s’arrête de pleuvoir vers 13h00. Et une belle vision s’offre à nous, nous croisons la route du BELEM. BRIDAN passe devant, ENAWEN passe derrière. De belles photos en perspective. Et enfin, oh surprise !, alors qu’on ne s’y attend plus, le vent revient vers 14h00 pour nous permettre de finir en beauté, pleines voiles au près jusqu’à l’entrée du port de Sauzon. 25 milles nautiques en 6 heures.
Les placiers, toujours aimables ici aussi, et très efficaces nous aident aux opérations d’embossage. 15h30, tout est OK, ENAWEN et BRIDAN sont amarrés à couple. Un troisième larron (notre voisin de Port Louis la nuit dernière) viendra se greffer sur BRIDAN, pour lui faire profiter de ses crissements d’amarre.
Un coup d’annexe hybride (le gonflable de BRIDAN + le moteur d’ENAWEN) jusqu’au quai pour un rafraichissement et un petit resto un peu reculé offrant encore des places, et on aura fait le tour de cette journée.
Le début de nuit a forcé les skippers à quelques sorties anti-bruit pour changer de place les pare- battages ou pour régler la tension des amarres du 3ème larron qui se transmettait sur BRIDAN !
Dimanche 22/8
Le départ à 9h30 est respecté avec pour objectif Port Tudy à Groix …ou Port Louis à Lorient.
Sitôt les voiles hissées on a l’agréable surprise de sentir un vent de Nord-Ouest bien appuyé. Et c’est sur ce bord initial que va se prolonger notre étape. Pas grand-chose à faire si ce n’est régler la toile pour qu’ENAWEN et BRIDAN alignent leurs vitesses pour rester ensemble au passage du Plateau des Birvidaux, au passage d’une chasse d’oiseaux et de dauphins en pleine curée, et jusqu’au passage de la ligne d’arrivée à Port Louis à 15h30. Oui, Port Louis, car on s’est laissé guidé par le cap qui naturellement nous à mener dans ce port par ailleurs plus agréable et mieux équipé que Port Tudy.
Passage à la capitainerie, douche, apéro dans un petit établissement du centre-ville et pour finir la journée, un dîner à la « mode de chacun » autour de la table d’ENAWEN bien sûr !
25 milles nautiques parcourus. La meilleure navigation depuis longtemps !
Lundi 23/8
Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas …et c’est parfois mieux comme ça!
En effet, si on s’amuse à comparer ce qui s’est passé samedi dernier en partant du même endroit Port Louis pour rallier Belle Île et ce que nous faisons aujourd’hui pour aller à Port Manech, il y a de sacrées différences :
Pluie samedi / soleil ce lundi – une grosse partie moteur samedi / une seule petite heure pour finir aujourd’hui – du vent en plein dans le nez et des bords carrés samedi / un vent orienté entre près bon plein et travers pour filer tout droit sur un seul bord ce lundi – Ciré pour le froid humide de samedi / short et chapeau de soleil aujourd’hui avec « cerise sur le bateau » : avoir pu sortir le spi par 2 fois !
Bref que du bon avec le plaisir de se retrouver à Port-Manech toujours aussi attractif, avec son entrée bordée de falaises fauves, son plan d’eau plus bleu que bleu et ses demeures sur la colline qui dominent un ensemble harmonieux. Sans oublier la perle que représente la petite plage qui ferme le port et ses bateaux blancs. Son sable doré et ses cabines de bain composent le cliché classique et intemporel des apaisants loisirs qu’offrent les vacances balnéaires.
Ne pas oublier la performance du jour avec ce vent généreux avec des vitesses à 7 nœuds sous spi et du 6 nœuds sans spi ! Partis à 9h30, arrivés à 13h30 pour 18 milles nautiques parcourus. La grosse récompense : une méga glandouille toute l’après-midi !!!
Mardi 24/8
Départ 9 h30 de Port-Manech après une nuit calme et reposante. Un coup d’œil aux prévisions météo fait état d’un vent à 4 Beaufort, Nord-Est, avec des rafales à 6 ! Sur BRIDAN, prise d’un ris dans la Grand-Voile par précaution avant même de larguer les amarres.
Sage décision car dès la sortie en pleine mer, ça déménage et c’est déjà un peu la panique pour régler les voiles quand le pilote ne suit plus la pression sur les safrans et que la barre doit être maintenue fermement à la main. Le passage au bord de l’île verte se passe ainsi, puis en ayant progressivement réduit la toile jusqu’à un petit mouchoir pour le génois et choqué à fond la grand-voile sur bâbord, on parvient à stabiliser la vitesse entre 6 et 7 nœuds. On prend ainsi de l’assurance et le pilote retrouve son utilité.
C’est du grand bonheur ,et même du grand art sur toute la longueur des 18 milles nautiques à courir. Le cap est maintenu sur 2 voies parallèles très proches à se toucher entre ENAWEN et BRIDAN avec des vitesses constantes rarement atteintes. La moyenne calculée à l’arrivée est facile à obtenir 18 milles nautiques en 3 heures = 6 nœuds tout ronds !
A l’approche de Sainte Marine on se retrouve avec KERVILY, revenant d’une escale mouvementée aux Glénan, pour entrer tous les 3 au port où les placiers vont nous mener confortablement aux catways. Il est 12h30.
L’après-midi se passe nonchalamment à des rythmes divers : rangement, sieste, dégonflage de l’annexe sur BRIDAN, vaisselle pour KERVILY, balade jusqu’à l’abri Napoléon, apéro sur ENAWEN avec Nicole et Guéno venus nous rendre visite, douches, capitainerie …et un resto de fin de croisière pour les 4 navigateurs – trices au Café du Port (à la satisfaction de tous, y compris Michel qui n’avait pas gardé un bon souvenir de cet établissement…mais il y a si longtemps !!!)
Mercredi 25/8
Bien que dispersés sur les catways entre les pontons D et E, les 3 voiliers bien orientés vers l’amont ont accordé une nuit reposante aux occupants, sans aucun bruit ni mouvement perturbateur. La décision ayant été confirmée par la météo de ce matin, beau soleil et vent d’est 4 Beaufort, le départ est prévu à 11h00. Ce qui laisse le temps à Maïté de nous rejoindre pour participer à la navigation de retour sur Kérity, et de nous pourvoir en viennoiseries fraîches du jour. Merci Maïté
Et à l’heure dite, les amarres sont larguées. ENAWEN avec à son bord Michel et Maïté, KERVILY avec Pascale et Claude, et BRIDAN avec Daniel… en solitaire !
A la sortie de la baie, le vent n’est finalement pas si fort, et chacun ira de son envie pour gratter quelques dixièmes de nœud : génois sur un bord et grand-voile de l’autre avec ou sans tangon, ou spi avec un cap plus ou moins proche de la direction recherchée. Passé les algues de Lesconil, le vent reste au portant. Ce n’est pas forcément l’allure avec laquelle on prend le plus de plaisir…mais ce n’est pas parce que l’on a « un tangon d’Achille » qu’on n’est pas capable d’avancer. Et ça avance bien, toujours entre 4 et 5 nœuds et c’est ainsi que l’on rentre dans le chenal de Penarguer, avec un joli vent de travers. On s’arrête aux bouées de la poire vers 14h30 pour attendre 16h00 lorsque le niveau d’eau sera suffisant pour rejoindre nos bouées dans le port de Kérity.
Les goélands, durant notre absence se sont essayés à la peinture abstraite en mouchetant de blanc le bleu de nos annexes. On nettoie ou on ne nettoie pas, mais nos annexes vont nous aider utilement au désavitaillement. Dernier effort sous un soleil de plomb, avant de faire une dernière petite halte rafraichissante au Nautilus.
Fin de l’épisode.
Daniel Derchue